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UX DEIZ #10 : Design éthique

Pour la dixième édition de l’UX Deiz, on se penche sur le design éthique. LunaWeb est attachée à partager les bonnes pratiques du design pour un monde responsable. Un bel événement organisé par l’UX Rennes, le collectif de partage dédié à l’expérience utilisateur (User eXperience) en Bretagne.

Publié le 17 avril 2019

Concevoir demain, le design responsable

Plus qu’une discipline, c’est une approche, une posture qui dépasse largement les frontières du design. Le design éthique interroge, questionne et remet sur le tapis ce que l’on considère comme acquis ou convenu. Tour d’horizon au côté du collectif UX Rennes qui organisait sa dixième édition des UX Deiz le 22 février 2019.

UX Deiz Design éthique

Il y a un mois presque tout pile, UX Rennes organisait son UX Deiz. À la fois conférence et temps d’échange sur le vaste sujet de l’expérience utilisateur, le collectif est avant tout ouvert. À ceux qui ne se considèrent pas experts mais curieux, et à ceux qui veulent témoigner et partager leurs réflexions. Il invite aussi à envisager l’UX autrement, et à la regarder sous toutes ses coutures. « Concevoir demain » était donc le fil rouge du dernier UX Deiz, animé par deux intervenants — Geoffrey Dorne, designer, et Thomas Thibault, du collectif Bam.

Un design et une éthique ?

En réalité, nous pourrions presque écrire « des designS éthiqueS ». Parce que le design a autant de définitions qu’il y a de designers. Et que l’éthique ne se décrète pas : elle est, elle aussi, protéiforme et surtout propre à chaque personne.

On pourrait par exemple concevoir que le design est ce qui est visible (une chaise, un aménagement d’intérieur, une affiche, un logo, une interface), mais ce n’est que la face émergée de l’iceberg. Le design implique une démarche, un processus, des besoins ou attentes, une réflexion, des choix… et un impact sur ceux qui l’utilisent et leur environnement. Geoffrey Dorne a partagé lors de l’UX Deiz sa vision du design au travers des mots d’Alain Findeli : « La fin ou le but du design est d’améliorer ou au moins de maintenir l’habitabilité du monde dans toutes ses dimensions ». Ou comment améliorer le vivre ensemble.

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Design & Human, fondé par Geoffrey Dorne http://geoffreydorne.com/designandhuman.html

Même constat si on se penche du côté de l’éthique. Qu’on peut aussi définir, en partie, par ce que ce n’est pas : la morale. Si ces concepts sont proches, « la morale détermine ce qui est bon ou mauvais », notait Thomas Thibault. Or, « un design ne peut être bon ou mauvais », dans son approche initiale tout d’abord (le choix arbitré) mais aussi sur toute la durée de vie du produit (ses conséquences). Thomas Thibault a notamment illustré ses propos par l’image frappante des cimetières à vélos en Chine. Et pourtant, ces vélos en libre-service visaient à réduire l’utilisation de la voiture individuelle.

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Cimetière de vélo en Chine

Des pistes de réflexion

Le design éthique pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Et c’est là toute la richesse de cette approche. En filigrane, c’est mettre le temps sur pause, lever la tête du guidon et s’interroger. Ou « lutter contre l’automatisme et la routine des choix » pour Thomas Thibault. C’est-à-dire les choix individuels et collectifs du designer, sa responsabilité, son engagement, et l’impact de son travail.

Prenons l’exemple (soufflé par Geoffrey Dorne) d’une affiche pour un parti d’extrême droite : techniquement, le travail est irréprochable. Mais à quoi participe le designerlorsqu’il y travaille ? Si cet exemple coule a priori de source, il s’applique de la même manière à d’autres entreprises et à leurs produits, dans tous les secteurs : quel est l’impact des packagings de produits qui participent à la déforestation ou à l’exploitation humaine, ou du design d’une enceinte connectée qui fait bien plus que de répondre à des requêtes vocales sur la météo du jour ?

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Geoffrey Dorne reprend à ce sujet une citation de Dieter Rams : « good design is honest ». Exit donc les fausses promesses et la manipulation. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, le design éthique n’a pas vocation à pointer du doigt ou à moraliser, mais à adopter une posture différente, positive… et à se l’approprier.

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Et concrètement ?

La réponse pourrait se résumer à une nouvelle question : « comment être utile dans mon métier de designer ? » Pour Geoffrey Dorne, c’est œuvrer au quotidien pour l’indépendance à la fois personnelle, professionnelle et humaine. Ou en d’autres mots, travailler pour des projets qui ont du sens, s’investir bénévolement pour ceux qui en ont besoin, rendre l’utilisateur final plus indépendant et autonome.

Design-ethique

Tout comme Geoffrey Dorne, Thomas Thibault a opté pour investir du temps et de l’argent dans des initiatives et des entreprises qui ont du sens pour eux. Il communique d’ailleurs, jusque dans ses factures, les pourcentages qui seront directement liés aux projets non lucratifs, à la documentation libre ou aux actions de bien commun.

Son collectif, BAM, a aussi conçu des objets intermédiaires, ces outils qui facilitent les échanges et la co-construction, notamment avec leurs clients. Ils ont donc mis au point « VRAP » (pour Vision / Relation / Action / Perception), qui est à la fois un outil et une méthode qui place le projet au coeur de la démarche, pour ensuite envisager les différents acteurs à mobiliser, les actions à déployer et rendre visible ce qui est caché (a.k.a., la perceptibilité).

UX-Deiz-10_collectif-BAM

Difficile de terminer cet article tant le sujet est vaste… mais finalement c’est bien la prise de conscience qui compte. Sortir de la vision en silo du métier de designer, prendre un peu plus de hauteur, et s’interroger… simplement.